Rupture conventionnelle et retraite

Rupture conventionnelle et retraite

Auteur : Matthieu Démoulain
Publié le : 07/07/2023 07 juillet juil. 07 2023

Adoptée en avril 2023, la réforme des retraites entrera en vigueur le 1er septembre 2023.

Parmi les arguments opposés à cette réforme, figurait la situation de l’emploi des séniors : pourquoi repousser l’âge d’ouverture des droits à la retraite et allonger la durée de cotisation alors qu’une importante partie de la population active âgée de plus de 55 ans est inscrite comme demandeur d’emploi ? La préservation revendiquée de l’équilibre financier du régime de retraite se ferait ainsi au préjudice du régime d’assurance chômage.

Etait notamment en cause le régime fiscal et social des indemnités de rupture conventionnelle qui dépendait du droit ou non pour le salarié de liquider ses droits à la retraite :

(i) si le salarié n’était pas en droit de liquider ses droits à la retraite, l’indemnité :
 
  • suivait le régime fiscal (possible exonération jusqu’à 6 PASS, soit 263.952 € en 2023) et social (possible exonération jusqu’à 2 PASS, soit 87.984 € en 2023) de l’indemnité de licenciement
  • donnait lieu au paiement du forfait social (20%) par l’employeur pour la part exonérée de cotisations sociales et de cotisations patronales (environ 45%) pour la part au-delà.
 
(ii) dans le cas contraire, l’indemnité était intégralement soumise à :
 
  • impôt sur le revenu
  • cotisations sociales (salariales [environ 12%] et patronales [environ 45%])
  • CSG & CRDS

Quant à l’indemnité de mise à la retraite, elle bénéficiait des mêmes exonérations que l’indemnité de rupture conventionnelle versée au salarié trop jeune pour prétendre à une pension de retraite. Sans supporter de forfait social, elle constituait l’assiette d’une contribution de 50 % du montant total de l’indemnité.

Aux yeux de ses détracteurs, l’articulation de ces régimes organisait un coût du départ croissant avec l’âge du salarié et incitait l’employeur à précipiter la rupture du contrat de travail du salarié avant qu’il soit en droit de liquider sa pension de retraite.

Pour répondre à cette critique, la loi portant réforme du système de retraite rapproche les régimes sociaux de l’indemnité de mise à la retraite d’une part et d’autre part de l’indemnité de rupture conventionnelle indépendamment de l’état des droits à la retraite du salarié dont le contrat est rompu.
 
    Rupture conventionnelle Mise à la retraite
    Avant l’âge légal de départ à la retraite A partir de l’âge légal de départ à la retraite  
Impôt sur le revenu Avant réforme






 
Exonéré dans la limite du montant le plus élevé :
* 2 fois la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail (maximum 6 PASS, soit 263.952 € en 2023)
* 50 % du montant de l'indemnité (maximum 6 PASS, soit 263.952 € en 2023)
* indemnité conventionnelle ou légale de licenciement
Intégralement soumis Exonéré dans la limite du montant le plus élevé :
* 2 fois la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail (maximum 5 PASS, soit 219.960 € en 2023)
* 50 % du montant de l'indemnité (maximum 5 PASS, soit 219.960 € en 2023)
* indemnité conventionnelle ou légale de mise à la retraite
Après réforme
Cotisations salariales & patronales Avant réforme Exonération à hauteur du plus bas de ces deux plafonds :
* part exonérée d’IRPP
* 2 PASS (soit 87.984 € en 2023)
 
Intégralement soumis Exonération à hauteur du plus bas de ces deux plafonds :
* part exonérée d’IRPP
* 2 PASS (soit 87.984 € en 2023)
 
Après réforme Exonéré dans la limite de 2 PASS et du montant le plus élevé :
* 2 fois la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail
* 50 % du montant de l'indemnité
* indemnité conventionnelle ou légale de licenciement
CSG CRDS Avant réforme Exonération à hauteur du plus bas de ces deux plafonds :
* indemnité conventionnelle ou légale de licenciement
* 2 PASS (soit 87.984 € en 2023)
Intégralement soumis Exonération à hauteur du plus bas de ces deux plafonds :
* indemnité conventionnelle ou légale de mise à la retraite
* 2 PASS (soit 87.984 € en 2023)
Après réforme Exonération à hauteur du plus bas de ces deux plafonds :
* indemnité conventionnelle ou légale de licenciement
* 2 PASS (soit 87.984 € en 2023)
Forfait social / Contribution spécifique Avant réforme 20% sur les sommes exonérées de cotisations sociales Exonéré 50% de l’ensemble de la somme versée
Après réforme 30% sur les sommes exonérées de cotisations sociales

A titre d’exemple, une indemnité de rupture conventionnelle d’un montant de 100.000 €, alors que la convention collective ou la loi prévoit un montant de 70.000 € sera traitée comme suit :
 
  Montant brut Cotisations salariales (12%) CSG CRDS (9,7%) Impôt (20%) Net salarié Cotisations patronales (45%) Forfait social Contributions spécifiques (30%) Coût employeur
Assiette Montant Assiette Montant Assiette Montant Assiette Montant Assiette Montant Assiette Montant
Salarié pas en âge de liquider sa pension de retraite Avant réforme

 
100 000,00€ 12 016,00€ 1441,92€ 30 000,00€ 2 910,00€
0€
0€
95648,08€ 12 016,00€ 5 407,20€ 87 984,00€ 17 596,80€
0€
0€
123 004,00€
Après réforme 100 000,00€ 12 016,00€ 1441,92€ 30 000,00€ 2 910,00€
0€
0€
95648,08€ 12 016,00€ 5 407,20€
0€
0€
87 984,00€ 26 395,20€ 131 802,40€
Salarié en âge de liquider sa pension de retraite Avant réforme

 
100 000,00€ 100 000,00€ 12000,00€ 100 000,00€ 9 700,00€ 100 000,00€ 20 000,00€ 58300,00€ 100 000,00€ 45 000,00€
0€
0€
0€
0€
145 000,00€
Après réforme 100 000,00€ 12 016,00€ 1 441,92€ 30 000,00€ 2 910,00€ 100 000,00€ 20 000,00€ 75648,98€ 12 016,00€ 5 407,20€
0€
0€
87 984,00€ 26 395,20€ 131 802,40€


Par cette réforme, le législateur semble donc moins chercher à sanctionner les employeurs concluant une rupture conventionnelle avec un salarié en droit de liquider sa pension de retraite que d’éviter de les inciter à le faire avant cette date. En effet, le taux de la nouvelle contribution est inférieur aux cotisations patronales que l’employeur supportaient sur l’intégralité de l’indemnité lorsque l’âge de liquider sa retraite était atteint.

Il s’agit donc plus de supprimer l’incitation à rompre le contrat avant l’atteinte de l’âge légal de départ à la retraite, compte tenu du surcoût qu’induisaient (i) la rupture conventionnelle du contrat de travail au-delà de cet âge et surtout (ii) la contribution spécifique à la charge de l’employeur prononçant une mise à la retraite dont le taux de 50 % désormais ramené à 30 %, sur une assiette réduite.

Demeure posée la question de l’effet dissuasif de la mesure, compte tenu des facteurs pouvant déterminer l’employeur à rompre le contrat du salarié, qui ne se limitent pas au seul coût de la mesure.

Quant à l’articulation entre le régime de retraite et celui de l’assurance chômage, elle demeure inchangée :
 
(i) si au jour de sa perte d’emploi, le salarié est en droit de liquider ses droits à la retraite à taux plein, il ne peut bénéficier du régime d’assurance chômage ;
 
(ii) si à cette date, il est en droit de liquider ses droits à la retraite, mais pas à taux plein, il peut percevoir des allocations de retour à l’emploi pendant une durée pouvant atteindre 3 ans. Une fois épuisés les droits constitués auprès du régime d’assurance chômage, sous réserve notamment qu’à cette date, il soit déjà indemnisé depuis un an, il continuera à percevoir ces allocations jusqu’au jour où il aura droit à une retraite à taux plein (eu égard au nombre de trimestres cotisés ou de l’atteinte de l’âge de 67 ans).

En conclusion, il convient pour tout salarié d’éviter que son contrat de travail soit rompu plus de 3 ans avant la date d’ouverture de ses droits à la retraite.



 

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